vendredi 30 août 2013

(...) Pilgrims down the road. Stage 3. Nous parvenons à Tours précédés d'une nuée de sauterelles. Nous y restons quelques nuitées, le temps que Christian soigne ses escarres. Nous survivons de rapines : gibier, poivrons, chappys, gourmettes... Rayon détente, c'est pas banal : pas de boutique vintage, aucun skate park, zéro game center. Honnêtement, le coin n'a aucun intérêt. Pour tromper l'ennui, nous provoquons des échauffourées avec des gars du patelin, une bande de poivrots qui errent comme nous dans les rues faute de mieux. Au bar de l'hôtel, nous sympathisons avec deux frangins en goguette, Félicien et Didier Paoli. Les gusses fourmillent de projets. Leurs paris pour la rentrée : le grand retour de la sucrette, des peluches en amiante et de la téléphonie murale. En revanche, ils jettent une pierre dans le jardin des opérateurs qui ont tout misé sur la convergence des contenus et la fibre optique : "On ne peut plus se servir du consumer comme d'un sex toy". 100% d'accord. Nous nous échangeons nos cartes.

jeudi 29 août 2013

(...) Road to Fatima. Stage 2. Vézelay. Nous dormons chez l'habitant. Notre hôte, Vivien Savage, un agriculteur affable, robuste et plutôt sexy, nous prépare un porcelet popotte dont je me farcis la citerne. Christian ne donne pas sa part au chat. Mais mon compagnon de route se plaint de ses oignons ravivés par le frottement du cuir contre ses orteils. Nous montons nous étendre à l'étage. Alité, Christian gémit. Je lui prends la température : 38,2°c ! La fièvre lui fait perdre la tête. Il dirige des armées imaginaires, harangue des fantassins, pourchasse des fuyards. Je m'aperçois que je tiens à cet ami comme à la prunelle de mes yeux. C'est un sacré bonhomme qui se tient là devant moi. Je le veille, frotte ses pieds avec une gousse d'ail comme nous le faisions au régiment. Il s'assoupit. Plus tard, accoudé au belvédère de notre suite parentale, je relis Saint-Thomas-d'Aquin pendant que Christian, rasséréné, fait un Sudoku en grignotant un Balisto. Je pense à toutes ces kyrielles d'étoiles créées il y a tant d'années par Jésus. Quel boulot de guedin !

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mardi 27 août 2013

 Et voilà. Plus de 1500 km parcourus sur le chemin du sanctuaire de Fatima (Portugal) aux côtés de mon pote Christian Audigier. Plus d'un mois et demi de marche. Une histoire d'amitié et de foi. Durant cette itinérance, comme Lamartine sur les chemins de Jérusalem, j'ai pris des notes, des instantanés d'humanité, noircissant le soir les fines feuilles de mon carnet de moleskine à la frèle lueur d'une bougie. J'ai renoncé à les relire ou à les reprendre, préférant les livrer ainsi, dans leur imperfection mais aussi dans leur authenticité. Sollicité par les mass média traditionnels, j'ai préféré accorder la primeur de mon récit à ce Pure Player indépendant. Je vous feuilletonne le truc. Un épisode/jour. Road to Fatima. Pilgrims down the road. Du pur cinoche, je suis prêt à en discuter avec les prods en MP.

Lundi 29 juillet.

Craintifs lors de ces premiers jours de pélerinage, nous nous replions vers les massifs forestiers du Loiret où nous nous nourrissons de glands et d'artichauts sauvages tandis que le soleil peine à darder ses rayons à travers l'épaisse canopée des Carnutes. Là, tandis que Christian lit le Marie-Antoinette de Jean Tulard, je fais de l'accrobranches pendant que mon linge sèche sur l'écorce d'un épicéa. Dans la touffeur de la nuit, Christian parle pendant son sommeil. J'entends le mot "fournisseur". Plus tard, il est aussi question d'un deal avec Mariah Carey. J'écoute pour ma part un vieux Front 242 au casque histoire de faire taire les bruits perçants de la selva. Je sens le souffle de l'aventure. Demain, nous reprenons la route. Je me languis de voir le sud.

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